lundi 16 septembre 2013

14 et 15 septembre – Fin d’un grand voyage -

 
Samedi 14 septembre
 
Très bizarre un ciel sans nuage. Mais on se réhabitue vite aux bonnes choses et Canasson frétillait de bonheur lorsqu'il s'est rendu compte que l'autoroute pour Nuremberg était remplacée par une petite route de campagne descendant droit vers le sud, avec toute fois, beaucoup de virages. Cent kilomètres très champêtres dans un décor de colline puis de moyenne montagne où une petite station de ski sera traversée juste avant la frontière.
A midi, l'Allemagne nous accueille avec de gros nuages menaçants. L'autoroute en direction de Munich remplacera la nationale prévue durant l'après-midi devenue pluvieuse. Si demain matin il faisait beau à nouveau, l'avance prise permettrait de traîner un peu plus sur les routes de Bavière.
IMG_1060 IMG_1061 Peu après Munich, le GPS aura la bonne idée de s'égarer à nouveau hors de ces autoroutes monotones et de nous faire traverser un ravissant petit village, Landsberg, qui du coup est devenu l'étape du jour.
IMG_1062
Dimanche 15 septembre
IMG_1063 En l'absence de toute pluie, malgré un ciel bien chargé, nous allons filer gentiment au grès de routes nationalesbien agréables.  C'est ainsi que la vision au sud des Alpes Suisse nous fait quitter la direction ouest pour de suite piquer dans leur direction et nous en rapprocher. Par chance le soleil arrive à s’imposer au moment de rejoindre le lac de Constance et de s'installer sur ses rives pour le déjeuner.
Déjà Mulhouse apparaît sur les panneaux indicateurs. La France, ce sera pour cette après-midi, c'est sur.
Ainsi ce retour ultra rapide prendra fin en mêmes temps que ce grand voyage riche en émotions, péripéties et rencontres.
Bien sûr, ne pas avoir profité sur ce retour des nombreuses richesses croisées peut paraître désolant et ressembler à du gâchis.
Les voix de nombreux détracteurs me résonnent déjà aux oreilles.


Alors, aux grincheux
         qui se gausseraient
                  de m'avoir vu rentrer
                           si précipitamment,
                                    je lancerai gentiment,
                                              ...fallait bien en laisser un peu
                                                            ...pour quand je serai vieux!

                                                                   

vendredi 13 septembre 2013

12 au 14 septembre – Pologne et Tchéquie -

Jeudi 12 septembre

Quel itinéraire suivre pour traverser cette Pologne ? Vu le temps des jours précédents, remonter plus sur le nord il fallait le prévoir avant de sortir d'Ukraine alors que j'y ai pris une trajectoire descendante, envisageant déjà la possibilité d'une route un peu sud, par la Slovaquie peut-être.

Le plein centre a été traversé lors du retour d'il y a trois ans. Reste le sud, où s'étirent les Carpates dont je ne connais que la partie roumaine très belle à mon goût. Ma tendance naturelle à ne pas préférer les « plats pays » m'indique ce choix comme le bon. Mais sous la pluie, la montagne aussi belle soit elle, n'offre pas beaucoup d’intérêt. Reste l'option « demie-mesure », en longeant le nord du massif. Ainsi, pas d'horizons infinis, et pas de chapeau nuageux sur la tête.

En route donc pour Rzeszow et Krakow d'où Canasson sera prié d'obliquer sud-ouest pour nous entraîner vers la Slovaquie.

Dès les premiers kilomètres dans le pays, l'Europe y est respirée à pleins poumons. Le contraste est brutal et saisissant, même par rapport à l'Ukraine. La propreté est partout présente. Dans les agglomérations, plus de trottoirs en terre ou au pavement en partie défoncé. Les routes sont en excellent état, mais, parce qu'il y a un « Mais », comme maintenant, où que se porte le regard, il y a des habitations, la route n'en finit pas de traverser des villages collés les uns aux autres. Un seul poteau suffit à porter le panneau de sortie de l'un et celui d'entrée de l'autre. Deux voies seulement, plus une grosse dose de circulation font que l'on n'avance plus. J'allais oublier : lorsque votre regard croise les prix à la pompe, la crise cardiaque n'est plus bien loin !

C'est donc sans regret que nous quitterons le pays, mais seulement demain, car une excellente connexion internet reçue d'un hôtel voisin du parking, me bloque là pour la soirée et la nuit...

Vendredi 13 septembre

La route traverse les Carpates pour rejoindre la frontière tchèque. Trente kilomètres avant celle-ci, une superbe autoroute tente de nous faire oublier notre allure « tortillarde » d'hier.

Passer une frontière, sans remplir de formulaires ou présenter ses papiers parait presque anormale au point que, je me surprend, passeport en main à chercher vainement à qui les présenter. Mais les bâtiments sont vides ce qui rend l'endroit presque sinistre. Pas de barrière dont il faut attendre la levée, comme pour une libération. Presque en catimini, Canasson effectue les tours de roue nécessaires à passer en face. C'est fait, ce sera l'avant-dernier pays avant de retrouver la France après que le septième mois de voyage soit entamé.

Le gigantisme de la Chine, de la Mongolie et surtout de la Russie, on a du mal maintenant à nous faire imaginer possible, le passage d'une frontière à une autre dans une même journée. C'est pourtant le cas. Surtout lorsque le réseau routier à emprunter est impeccable. Nationales quatre voies et autoroutes gratuites, bien qu'il ait fallu s'acquitter d'une vignette aux seuls guichets de la frontière. Les quelques incursions sur le réseau secondaire, histoire de respirer un peu le pays, se sont faites sur de très bonnes et très belles petites routes. Malheureusement, la journée entière a été ponctuée de fréquentes averses souvent violentes empêchant d'apprécier une campagne vallonnée, semée de nombreuses forêts.

Histoire de ne pas être passés comme des voleurs, avec mon compagnon à quatre roues, nous offrons à la ville de Plzen l'honneur de nous retenir à dormir. Nous ne sommes plus qu'à cinquante kilomètres de l'Allemagne, sur la route de Nuremberg.

mercredi 11 septembre 2013

8 au 11 septembre – Ukraine -

Dimanche 8 septembre

Le coin tranquille, trouvé tard hier au soir à la lueur des phares au départ d'une petite route anciennement goudronnée est favorable pour inciter à prolonger l'arrêt. D'autant qu'il ne pleut pas et que deux où trois petites choses sont à faite en extérieur, tel, décrasser la prise d'air du chauffage risquant d'être sollicité dans les jours à venir. Depuis bien avant Kursk, quelques arbres donnaient déjà de petits signes d'automne. Cette tendance va en s'accentuant actuellement et quelques feuilles sont déjà au sol.

 IMG_1050 Le blog doit aussi mémoriser ces deux derniers jours mouvementés. En début d'après-midi tout est fait et, sans hâte, nous parcourons le peu de kilomètres nous séparant de Sumy, la première petite ville de notre route ukrainienne . Dépourvus de monnaie locale, pour cause de week-end et d'arrivée nocturne dans le pays, il ne nous reste, en attendant la reprise du travail chez les banquiers, qu'à y trouver un petit coin tranquille et visiter un peu le centre où Canasson a trouvé une écurie. 

Lundi 9 septembre

L'idée de faire un petit tour à Cernobyl' s'est estompée avec la petite descente en latitude provoquée par la visite des trois douanes successives. Le temps n'est pas au grand beau non plus et cette traversée tambour battant de la Russie m'a fait sentir l'écurie avant l'heure. Tout ça réuni fait que je n'ai plus la tête à flâner, mais plutôt à terminer ce voyage mouvementé.

IMG_1046 IMG_1047 IMG_1048 IMG_1049 Le temps de trouver à pied le cœur piétonnier de la ville et de repérer banque, magasins et un point WIFI, je me mets en route tranquillement vers huit heures et demie. Une fois de plus, j'arrive une heure trop tôt pour l'ouverture des banques. Le décalage horaire a encore sévi sans m'en prévenir !

Qu'à cela ne tienne, ce sera l'occasion d'une petite randonnée matinale, dans cette ville au centre assez agréable. Malheureusement une bonne brume ne favorise pas les photos et encore moins les coups de soleil.

Le café internet trouvé a la bonne idée de faire restaurant. Le blog une fois mis à jour, je prends le temps de déjeuner avant de ne reprendre la route qu'en début d'après-midi.

IMG_1052 Peu avant Kiev, il sera l'heure de fermer les yeux, pour, demain, se lancer dans la traversée de L'Ukraine. Neuf cents kilomètres environ, de frontière à frontière par ma route, ce n'est pas énorme. Tout dépendra de l'état de la chaussée et des conditions de traversée des villes au nombre de quatre : Kiev, Zitomir, Rovno et L'Viv.

 

Mardi 10 septembre

Mauvaise surprise, la carde Europe GPS que j'étais persuadé avoir sauvegardée sur mon PC, n'y est pas. À Barnaud, dans un échange de carte SD avec Momo, j'ai récupéré sa carte contenant la Russie et lui ai laissé la mienne de 4 GO contenant entre autres, l'Europe. Il s'agissait de ne pas me faire perdre de temps dans le trajet Chrono où je m'engageais pour rallier Novossibirsk au plus vite.

La carte Sim achetée hier à cet effet restera donc vide et le GPS muet.

Une foi traversée la ville de Kiev sans trop d'encombrements, une superbe route quatre voies, mène d'une traite à Zitomir.

IMG_1053 IMG_1054

                                                               La traversée de Kiev

Et comme tout à une mémoire, même le mauvais sort, j'ai du réviser un exercice depuis longtemps oublié. Canasson ronronnait allègrement sur le bel asphalte et je me délectais d'entendre sa chanson. Un léger tiraillement au niveau de l'estomac commençait d'indiquer l'heure imminente de la restauration. C'est à cet instant que les brutales fausses notes provenant de la roue avant droite ont gâché la chanson. La chambre à air mise à Omsk, n'a pas résisté aux nombreux pansements collés à l'intérieur du pneu à l'occasion d'autres crevaisons.

Ce sera l'occasion en guise d'apéro, d'une visite sur le toit pour y récupérer la meilleure des deux roues valides restantes.

Du coup, ce ne sera qu'en sortie de Rovno que je me payerai le luxe d'un vrai repas dans un superbe restaurant magnifiquement décoré et de façon très originale. Entrée, plat et dessert, le tout arrosé d'un verre de vin rosé ukrainien. Un vrai régal, surtout qu'il y a longtemps que ce n'était arrivé.

Je ne sais si c'était l'effet du rosé à la couleur jaune comme un bon blanc de chez nous, mais le bivouac sur un grand parking en sortie d'un gros hameau qui me semblait tout à fait correct, s'est avéré être le point de départ de plusieurs lignes d'autobus locaux. Il a fallu faire avec, et ça a fait !

Mercredi 11 septembre

Le début de nuit a été un peu bruyant, mais ça a dû se calmer assez vite, car le sommeil a été récupérateur. Par contre, à sept heures ce matin, le jour n'était pas bien violent ce qui m'a rappelé les matins d'automne à la maison.

Les derniers kilomètres avant L'Viv sont très jolis. Déjà, il y a des tons d'automne qui commencent et puis, comme nous sommes juste au-dessus et à peu de distance de la Roumanie, les contreforts de la chaîne montagneuse des Carpates font onduler la campagne et mettre en valeur les nombreuses églises Orthodoxes aux toits tous plus étincelants les uns que les autres. Déjà se fait sentir, l'influence très religieuse le la Pologne.

La frontière d'avec cette Pologne arrive assez vite, vers 15 heures, en début d'après-midi. Contre toute attente, ce fut l’un des passages en douane les plus marquants du voyage. Seuls des contrôles de papiers, somme toute assez rapides, mais une queue interminable à attendre qu'en Pologne, chaque voiture soit fouillée avec soin, certaines restant plus d'un quart d'heure entre les mains de douaniers harnachés d'un bleu de travail et de quelques outils. À ce petit jeu, Canasson n'a pu galoper sur le macadam polonais qu'à dix-neuf heures trente. Presque cinq heures de queue pour rien, si j'ose dire, puisque Canasson n'a même pas été fouillé!... Décevant !...

jeudi 5 septembre 2013

27 août au 2 septembre - Russie 1 – En Sibérie

Mardi 27 août

Peu avant neuf heures trente, il y a déjà du monde au poste de douane mongol. Le passage des véhicules se fait au compte-gouttes et les formalités administratives traînent allègrement, au gré du bon vouloir de l'un ou de l'autre à prendre place à son bureau et de consentir à y faire quelque chose.

Ce n'est que sur le coup des midis que nous nous présentons enfin au poste russe après une vingtaine de kilomètres de macadam retrouvé. La pose déjeuner y est annoncée et les grilles se referment sous notre nez jusqu'à quatorze heures. Ayant les mêmes besoins énergétiques que ces braves fonctionnaires, le temps ne nous parait pas bien long face à nos assiettes.

L'heure de la reprise du travail sonnant, Momo et Patricia passent sans encombre les épreuves administratives et à mon tour, je présente aux officiels de service, mon passeport. Annulé par le consulat français de Pékin lors de la constitution du document provisoire permettant d'accueillir le visa mongol qui ne trouvait place dans l'autre passeport, il se trouve amputé de l'un de ses angles et frappé d'un beau cachet « Annulé » sur les deux premières pages.

La discussion sur le pourquoi de la chose s'éternise, et mobilise très vite jusque trois fonctionnaires qui concluent à la non-validité des visas qui y sont contenus. La photo n'a pas été prise, mais je suppose que la couleur blanchâtre de mon visage à cet instant aurait été frappante.

L’explication ne peut passer que par la présentation du nouveau passeport contenant le visa mongol. Y figure également le visa russe demandé à Ulaanbaatar, lorsque, sortant de Chine après tous mes déboires, et plus très confiant envers les capacités du véhicule, je n'envisageais que la solution de rentrer au plus vite en France.

Ce visa ne se termine que dans deux jours. Une chance pour régler le problème immédiat de la légitimité d'une présence sur le territoire russe, mais devoir le quitter dans les quarante-huit heures relève de l'impossible.

En plus, aucun des fonctionnaires présents n'est anglophone. Heureusement, une touriste russe vient à mon secours pour, en anglais, jouer les interprètes.

Après plus d'une demi-heure de palabres, une lueur d'espoir m'est donnée. Le douanier parle de demander une prolongation du visa presque périmé au bureau de l'immigration de Barnaud.

L'après-midi est déjà entamée, Barnaud est à huit cents kilomètres et il reste au visa une durée de vie de deux jours. Tout ce temps pour régler une situation administrative apparemment complexe avec des bureaucrates russes !

Momo et Particia, loin de me laisser tomber, encouragent l'accélération du mouvement pour atteindre le bureau de l'immigration au plus vite. Les pauvres verront donc défiler cette superbe route à la vitesse maximale que la raison autorise. Un vrai gâchis. Courant dans un Altaï magnifique avec ses sommets enneigés et les multiples torrents qu'il génère pour le plus grand bonheur des kayakistes, le parcours mérite, au combien, de flâner et chaque virage vous révèle un bivouac.

Momo a même fermé les fenêtres de son camion pour que le fumé des brochettes qui pourraient être ressenti au passage d'un hameau, ne l'incite à lever le pied avant la nuit.

Heureusement, une auberge offrant un espace de bivouac possible mettra fin à son calvaire à une heure encore raisonnable.

Mercredi 28 août

Ce n'est plus une vie. Mes voisins ont proposé le départ pour six heures trente. Ils sont sans pitié pour moi. Aussi, pour ne pas leur faire de peine, j'ai accepté. Mais si j'avais été privé de leur compagnie, c'est bien plutôt que je serais parti, car la nuit n'a pas été très sereine !

Tant et si bien, que le pari a été tenu, malgré une crevaison, d'atteindre Barnaud relativement tôt en fin d'après-midi. L'excellente qualité de la route nous aura bien aidés. L'impératif de localiser les bureaux de l'immigration dès ce jour pour, le lendemain, se présenter à l'ouverture, était l'objectif. Reste à les trouver, dans cette ville devenue importante et méconnaissable depuis mon passage en 2010.

Pour une fois, la chance est avec nous. Vitre ouverte à un feu s’apprêtant à repasser au vert, je lance la question à mon voisin camionneur. La file s'ébranle déjà. Sans hésiter, il fait signe de le suivre, me barrant brutalement la route pour s'engager avec son camion de livraison dans la petite rue, déjà à notre hauteur, sur la droite. Il va ainsi se détourner pour, tout naturellement, nous guider jusque devant les bureaux recherchés, bien cachés dans un quartier sans prétention. « Chapeau bas », le camionneur !

Pour compléter notre heure de chances, à cent mètres de là, le parking d'un stade nous offre l'hébergement, en pleine ville.

Jeudi 29 août

La nuit a été bonne cette fois. Une solution existe obligatoirement. Une prolongation, telle que je l'avais demandée avec succès pour le visa mongol semble réaliste.

Dans un bureau occupé par deux charmantes personnes, les explications recommencent et mes documents font de fréquents allers et retour hors de la pièce. À l'arrivée d'un homme encore jeune présenté comme spécialiste commence un interrogatoire en règle, mené toute fois avec courtoisie. En quelques minutes, les tenants et aboutissants du voyage en cours n'ont plus aucun secret pour lui. Ceci pour en conclure que la seule solution passe par l'acquisition d'un visa de transit, dont la durée ne peut excéder dix jours. Ils seraient éventuellement renouvelables, au moins en partie, dans un autre bureau d'immigration présent dans chacune des villes importantes de l'itinéraire.

Devant mon inquiétude de ne pas avoir le temps matériel d'atteindre l’Ukraine dans cette durée de dix jours, le conseil m'est donné d'utiliser les dernières vingt-quatre heures de validité du passeport à avancer sur le parcours pour demander le transit à Novossibirsk, voir Omsk.

Je vais donc abandonner Momo et Patricia pour leur rendre leur liberté sur les routes du Kazakhstan que nous projetions de parcourir ensemble. Pour moi, commence une course contre la montre sur les routes de Sibérie puis de Russie.

La route est en excellent état jusqu'à Novossibirsk que j’atteins presque avant la fermeture des administrations. Malheureusement un embouteillage trop important en entrée de ville, m'oblige à sortir du flot des voitures pour garer Canasson dans un parking d'immeuble. Le gardien nous y accepte gentiment pour la nuit.

Vendredi 30 août

À compter de ce soir minuit, je suis un sans papier sur le territoire russe. Une situation rêvée !

La visite au centre de l'immigration a un petit goût d'examen. C'est pourquoi le taxi m'y dépose de bonne heure.

Une fois de plus, le personnel est charmant. Après une bonne demi-heure d'attente , seul face au guichet vidé de sa titulaire parcourant les bureaux de divers supérieurs avec mes documents en main, la voici revenue. Souriante elle annonce que le visa transit va pouvoir se faire, mais par contre qu'il va me falloir attendre une heure ou deux. Pensez que j'accepte la sanction avec un certain plaisir !

Lexique russe sur les genoux, je tue le temps sur les fauteuils du hall d'attente. À peine ais-je commencé à m'instruire, que la guichetière accompagnée d'une interprète anglophone viennent à ma rencontre et laissant entendre que deux solutions existeraient dont l'utilisation du vieux passeport dont la validité des visas qu'il contient ne peut être mise en cause.

Pour être bien certain que ma pauvre culture « british » m'est permis de bien comprendre toutes ces subtilités administratives, je suis prié d'attendre un peu la venu d'un interprète, francophone cette fois.

L'homme, jeune, se présente dans un Français qui me laisse penser un instant que nous sommes compatriotes. Mais sa qualité de directeur du centre de l'alliance française de la ville ainsi que de vice-consul auprès de l'ambassade de France à Moscou me renseigne sur sa nationalité.

En présence d'une femme, elle aussi charmante et sans doute très haut placée dans l'administration du centre de l'immigration, monsieur le consul confirme bien la validité du visa de mon ancien passeport et propose que nous allions consulter le directeur du service des douanes territoriales basées à l'aéroport, pour plus de certitude.

Une heure en tête à tête dans sa voiture personnelle, le temps de l'aller et retour, nous ont permis de faire plus ample connaissance. Durant notre déjeuner au restaurant après la visite qu'il prend grand plaisir à me faire faire de son centre de l'alliance Française, cet homme charmant, me parle avec passion de sa ville dont il est natif et de sa Sibérie. Il connaît parfaitement la France ou ses fonctions l'amène à venir et souffre de l'image que nous autres Européens avons de ces contrées lointaines que notre imaginaire nous représente comme sauvages, inhospitalières et peuplées de gens coupés du monde.

Il est bien vrai que les températures peuvent y être rigoureuses, mais guère plus que les extrêmes de certaines de nos stations de ski Françaises. Il est vrai aussi que fin novembre est déjà le plein hiver dans les années normales. En revanche, une ballade à Novossibirsk, ville à peine âgée de cent cinquante ans, ne laisse aucun doute sur le niveau et la qualité de vie de sa population. Une vingtaine d'universités accueillant plusieurs milliers d'étudiants venus de toute la Russie y sont implantées. Certains spécialités y sont même à la pointe de la recherche, notamment dans le domaine médical et n'ont pas leur pareil, ni à Moscou ni même à Paris. Un métro, petit certes, accueil les passager dans ses stations décorées et très personnalisées d'où émane une sensation de bien être. La visite de l'entrée de l'une d'elles, guidé par Grigory, m'a permis de le constater. Reparlant du climat, il a avoué être transi de froid lorsqu'il lui arrive de venir en hiver à Paris!

Le parc automobile a explosé ces dernières années et la circulation est devenue très danse en ville.

Détendu, libéré d'une tension énorme, les quatre mille kilomètres de territoire Russe à parcourir encore, ont commencé de défiler sous les roues de Canasson, sans doute ravi de ne plus se faire secouer comme un prunier.

La route devra toute foi être partagée avec un bon nombre d'utilisateurs et la sensation de solitude en direction d’Omsk a totalement disparue.

Samedi 31 août

Quel bonheur de se sentir libre de son temps même si ce matin encore, j'ai quitté le lit de bonne heure pour avaler les kilomètres de cette Sibérie pluvieuse au plus vite, ce qui ne se justifie pourtant plus !

Protégé du bruit des camions dans le fond d'un immense parking destiné aux usagers de la route cherchant un point de restauration et le cas échéant d'hébergement, je pensais y être à l’abri de toutes nuisances.

Ce fut le cas sur le plan sonore. De toute façon, une mini tempête de vent en début de nuit, suivie d'une forte pluie, suffisait à couvrir tout autre bruit. C'est pourquoi, ce matin, trois semi-remorques ont gentiment fermé l’accès de mon petit recoin trouvé le long d'un énorme tas de gravier servant de mur antibruit. Je ne les ai pas entendu se mettre en place, et sans doute n'ont-ils pas décelé ma présence dans la nuit.

La pelle-pioche a donc repris du service pour dégager au bas du tas de cailloux l'espace suffisant pour que Canasson puisse se glisser furtivement le long de l'un des camions.

Si la qualité du revêtement de la route s'est manifestement améliorée, les infrastructures vétustes et peu engageantes existantes en 2010 ont été remplacées par de très nombreuses auberges, style « routiers » de chez nous, avec hébergement et restauration le plus souvent sous forme de « self-service ». Les parkings ne sont plus clos par de vieilles tôles de récupération mais très souvent peints voir en espace ouvert, redonnant ainsi une impression de liberté. Leur signalement est lui aussi devenu plus sympathique. Au lieu d'un vieux panneau rouillé frappé d'un dessin stylisé représentant une tente, ce que j'avais pris naguère, pour l'annonce d'un terrain de camping, un beau panneau bleu exposant fourchette et couteau vous invite à vous mettre à table. Ces hébergements sont maintenant extrêmement nombreux, mais semble-t-il devenus indispensables si l'on en juge par la densité des véhicules qui les fréquentent.

La grande Sibérie, terre du bout du monde et d'engagement, relève du passé et nul besoin d’esprit d'aventure pour s'y risquer, tout au moins le long de ses grands axes routiers

Le revers de la médaille, c'est une circulation importante qui oblige à une très grande attention.

Tous ces déboires de frontière ont fait passer aux oubliettes la roue de secours réparée quelques kilomètres après le passage de la douane. Une mèche, posée par mes soins, n'a pas tenu bien longtemps ses promesses. À l'entrée d'Omsk, un des nombreux petits garagistes qui se partagent le travail procède à la réparation. De la sorte, il ne sera pas nécessaire de grimper sur le toit, ce qui est plus rassurant et confortable, même pour un vieux guide!

IMG_1016 Engagé dans la sortie de ville bien embouteillée, le petit « Netbook »prend le temps de troquer sa casquette de GPS pour celle de prospection de réseau WIFI. C'est chose faite aux abords d'un grand magasin qui propose une connexion non protégée. Ainsi, je vous ai mis au courant de mes déboires passés avant d'aller planter ma « tente » dans la Taïga la plus proche, rencontrée en sortie de ville.

1er septembre

IMG_1018 La nuit a été très calme dans la taïga sibérienne et il faut aujourd'hui entreprendre le long détour de contournement du nord Kazakhstan. Une route coupe directement cet ex-pays de l'Union soviétique à la hauteur de'Omsk. Mais vu les circonstances, je n'ai nulle envie de me frotter à cette nouvelle administration qui pourrait bien elle aussi considérer son visa contenu dans mon ex-passeport, comme annulé. Je serais dans ce cas, obligé de faire demi-tour pour reprendre le contournement. De plus je ne connais pas l'état de la route Casaque !

IMG_1021 La taïga et la toundra continuent donc de défiler de part et d'autre de la route qui cette foi a perdu sa qualité d'avant Omsk. De nombreux tronçons dégradés obligent à de forts ralentissements. Le clou sera les trois quarts d'heure passés à slalomer, au pas, au milieu d'une route qu'un bombardement n'aurait pas plus endommagée. Canasson n'a guère connu pire en Mongolie...

Quelle n'est pas ma surprise, en me garant pour la nuit dans l'un de ces « routiers » russes, de me retrouver face à une plaque d'immatriculation française. Les deux occupants de ce fourgon Mercedes sont sur la route depuis un an et demi et comptent, après deux mois en famille sur le territoire français, repartir pour deux ans en Amérique du Sud. Nous passerons une longue soirée ensemble à partager nos souvenirs communs de Chine et Mongolie.

Lundi 2 septembre

Pas un camion ne s'était déjà mis en route à mon réveil. Le nombre de méridiens grignotés vers l'ouest explique cette clarté encore bien faible !

Mes voisins français ont prévenu hier au soir, ce ne sont pas des lève-tôt. Durant mon temps de déjeuner, deux semi-remorques s'ébranlent discrètement. Il est pourtant huit heures à ma montre, mais je commence à avoir un doute. Déjà hier j'étais étonné du peu de monde rencontré dans les petits restaurants...

Canasson reprend son travail et en vingt ou trente kilomètres nous réaiguille sur la route directe, traversant le haut du Kazakhstan, quittée peu après Omsk hier matin.

Chelyabinsk sera la prochaine grosse ville rencontrée et comme Canasson fait depuis quelque temps une addiction à l'icône « incident moteur » affichée au tableau de bord, je vais essayer de lui trouver un spécialiste.

L'inquiétude n'est pas à l'ordre du jour avec cette panne annoncée, car déjà, en sortie de Mongolie, Momo détenteur d'un petit testeur de poche avait diagnostiqué soit un problème d'air, soit un problème avec la vanne GR, cette saleté d'innovation qui empoisonne l’existence de tout voyageur fréquentant des terrains difficiles et donc peu roulants.

Ayant effacé « l'incident moteur », il n'était pas réapparu de toute la journée d'avant hier. Mais au démarrage hier matin, la décoration orangée a refait apparition.

Le seul inconvénient, est une augmentation sensible de la consommation et un moteur qui se coupe sur de brusques accélérations ! Il suffit donc d'avoir le pied léger, ce à quoi je m'emploie jusqu'au relais routier du déjeuner.

Une fois encore, peu de monde dans la salle. Je me lance donc à demander l'heure à la caissière qui bien entendu, me présente sa montre affichant une heure de moins que la mienne. Nous ne sommes désormais plus séparés que par quatre heures de décalage !

Du coup, j'arrive à Chelyabinsk assez tôt. Canasson évite soigneusement la bretelle de contournement visant directement Ufa, pour traverser la ville, dès fois que la chance nous fasse passer devant la résidence d'un spécialiste. Un jeu de piste balisé d'une grosse « clé anglaise » nous guide ainsi, au hasard, jusqu'à un gros bâtiment jaune. Miracle, sur l'une des grosses portes s'ouvrant sur divers ateliers, est apposé le sigle « Ford », le père de ma fidèle monture.

Comme toujours dans ces pays, toutes affaires cessantes, trois personnes se mettent à examiner le malade. « Rien de grave Docteur », c'est effectivement la vanne EGR qui supporte mal la mauvaise qualité du diesel Russe. Rien n'est faisable dans l'immédiat. Nous pouvons rentrer » en France sans aucun risque pour le moteur. L’amélioration progressive du carburant réglera peut-être le problème.

J'ai des doutes sur ce dernier point, mais ce diagnostic de spécialiste confirmant celui de Momo, redonne du cœur à l'ouvrage au « pur sang » qui file maintenant sur une belle route en direction de la frontière naturelle toute proche entre Asie et Europe : l'Oural, s'étirant du nord au sud, pour venir mourir ici, à l'approche du Kazakhstan. Avec un peu de chance, je vais pouvoir dormir les pieds en Asie et la tête en Europe !

3 au 7 septembre – Russie 2 – A l’ouest de l’Oural

 
Mardi 3 septembre

IMG_1033 L'idée de rayonner une journée ou deux dans ce massif montagneux a inspiré hier au soir le détour vers le nord. Au vu du ciel relativement dégagé ce matin, j'envisage de le poursuivre ce jour.
Il semble que dans cette partie sud seuls existent des sommets ronds et boisés, de faible altitude.
Le petit périple préparé doit retomber sur la route d'Ufa une centaine de kilomètres plus loin, si tout va bien.
Canasson ne se plaint pas d'un bitume en relativement bon état. Après vingt kilomètres, le GPS annonce « route non pavée ». Le bitume prend subitement fin à la sortie d'un village pour laisser place à une sorte de chemin forestier en terre. Les trous sont des plus dissuasifs pour nos petits moyens, et après un timide essai, les grincements incessants de Canasson sonnent la retraite immédiate. Pourtant, ce n'était pas vilain du tout !
IMG_1034 IMG_1038 Aucun des axes secondaires croisés on long de cette Sibérie ne m'a semblé fréquentable tant l'eau et les ornières y semblaient omniprésents au point de ne même pas oser tenter le plus petit bivouac sauvage.
La Russie n'est pas la Mongolie et ne semble pas fréquentable en dehors du macadam, tout au moins en période humide comme c'est le cas en ce moment.
Le retour vers la maison, va donc continuer comme il a commencé, par les axes principaux et sans en dévier !
Pour me faire mentir, j'ai trouvé ce soir un petit coin qui serait très agréable s'il n'était comme tous les espaces susceptibles d'offrir une zone d'arrêt, jonché de détritus de toute sorte. La Mongolie n'était pas des plus propre, mais là, nous sommes dans une poubelle !
Mercredi 4 septembre
Les oiseaux chantent, le soleil est déjà là, il est huit heures et quart à ma montre. La grasse matinée de temps en temps ça a du bon. Malgré papiers, bouteilles, légumes et autres styles de déchets disséminés alentour, la nuit a été calme et reposante.
Comme chaque jour, la route encombrée de Moscou doit être avalée avec ses bonnes et mauvaises portions. Comme le temps se maintient entre éclaircies et grisaille, parfois petite pluie, l'esprit n'est plus à la ballade. Il faudrait pour cela s'égarer hors de la route principale qui évite soigneusement toute agglomération, y compris les villes. L'avantage est ressenti par la moyenne, mais en contrepartie, aucun contact avec le pays dont on est tenu éloigné, hormis les « restos » assidûment fréquentés.
Canasson, lui aussi, semble sentir l'écurie et à ce train, la Russie sera derrière nous d'ici trois jours maximum puisque ce soir sous la pluie, nous attendons le jour suivant pour dans cent cinquante kilomètres quitter la route de Moscou et viser Kiev en Ukraine.
Petit détail : ma grasse matinée de ce matin s’est, en fait, achevée à six heures et quart puisqu'à treize heures trente j'ai en fait déjeuné à onze heures trente, ce qui explique qu'une fois de plus j'étais presque seul à table, non à cause de mon retard, mais de mon avance...Plus que trois heures de décalage ! Mais ce soir à vingt heures il fait nuit alors qu'hier à la même heure j'étais encore au soleil...
Jeudi 5 septembre
La pluie a été omniprésente jusqu'en milieu d'après-midi. La fin de matinée s'est même offert le luxe d'un vrai déluge. Au milieu des hordes de camions fréquentant cet axe de Moscou ce ne fut pas franchement un régal.
Du reste , même Canasson s'en est mêlé en faisant la tête. Apparemment, il digère très mal le diesel russe. Comme en plus par mesure d'économie je lui est très souvent offert le moins cher, à chaque accélération où presque,  monsieur se met en grève et arrête son moteur. Heureusement que couper et remettre le contact remplace le fouet que je n'ai pas.
IMG_1043 IMG_1044
                                                    Eclaircie sur les champs de tournesol
Doubler dans ces conditions est devenu périlleux et crispant. Le phénomène s'est même amplifié au cours des heures au point de me faire envisager le pire.
Les bonnes paroles du garage de Chelyabinsk me semblent devenues obsolètes. Seule la possibilité annoncée que les choses s'arrangent avec la qualité du carburant me laisse un espoir.
Les différences de prix à la pompe ne sont finalement peut-être pas l'arnaque que j'imagine. Canasson va donc avoir droit à un petit dessert à la condition qu'il finisse sa soupe jusqu'au bout.
Ça tombe bien,les dernières gouttes de sa ration précédente sont avalées, voyant allumé, juste à l'entrée de Tambov, trois cents kilomètres après Penza. Invité à se faire servir une ration complète de ce qu'il trouve de meilleur, son choix se porte sur une pompe qualifiant de « Europe » le précieux liquide.
Le soleil ayant réussi à percer timidement, nous ne résistons ni l'un ni l'autre à la tentation de tester le résultat, immédiatement, sur la route de Voronez.
À l'heure où je vous parle, et après une centaine de kilomètres sur une route superbe, le jockey a ressenti une nette amélioration dans le comportement de sa monture. C'est bon pour le moral !


Vendredi 6 septembre

Kursk n'est plus très loin et ça sent de plus en plus l'épilogue russe !... Sauf, que Canasson recommence ses caprices, à un degré moindre qu'avant hier, mais tout de même au point de ne pas laisser son driver baigner dans la quiétude.
L'espoir de mettre fin à la saga russe dès ce jour disparaît lorsque, raisonnables, en croisant une superbe concession Ford à la sortie de Kursk, nous prenons la décision d'une consultation. Là aussi, toute affaire cassante, Canasson est prié de s'expliquer sur ses mouvements d'humeur !
La « valise »diagnostique quatre problèmes ! De mieux en mieux !
La vanne EGR est démontée pour un nettoyage, mais après examen, ne semble pas en cause. La tête du mécano commence à entrer en fusion sous l'effet des neurones en action. Tout à coup après que je lui explique que tout se passe comme s'il y avait une panne d'alimentation de carburant aux accélérations, il me demande depuis combien de temps le filtre gazole était en place ! ...Ce n'était pas plus compliqué, mais encore fallait-il y penser.
Bien sûr, j'ai dû attendre au garage que les choses puissent se faire. Aussi une secrétaire est-elle venue au-devant de mes éventuels besoins en me proposant d'utiliser leur connexion WIFI, ce qui a permis les quelques coups de téléphone donnés à la famille. Au moment de passer à la caisse, le chef de garage s’excusera de ne pouvoir m'offrir toute la réparation, car il lui a fallu se procurer le filtre chez un accessoiriste. Incroyable ! De plus au moment du départ, il me raccompagnera jusqu'à la voiture pour me saluer et souhaiter bon voyage.
Que de valeurs sont passées aux oubliettes dans notre société, soi-disant tellement évoluée, que nous voudrions l'imposer au reste du monde qui lui, n'a encore rien compris ! À l'idée de bientôt devoir la retrouver, j'en ai le cafard ! Là se trouve le gros problème de ce genre de voyage : les pendules sont remises à l'heure. En arrêtant de se regarder le nombril on peut se poser la question de savoir qui détient la vérité... celui qui a tout rejeté, où, celui qui n'a rien perdu ?
Pour disposer d'un maximum de temps demain à la frontière, car je ne me fais aucune illusion et m'attends à une belle bagarre, j'utilise les derniers instants de jour pour, sous la pluie, aller dormir au plus prêt d'une petite frontière, celle de Salygino à environ cent vingt kilomètres au plein ouest de Kursk.

Samedi 7 septembre

Liquider ses derniers kopecks à l'épicerie et la station-service du dernier village, puis, se présenter au poste frontière pour jouer, peut-être, le dernier acte de l'épisode russe, voilà le programme.
À neuf heures trente, le premier képi intervient. C'est le début des contrôles de police. Après quelques hésitations devant les deux passeports, Canasson est prié de faire quelques pas jusqu'au poste de douane proprement dit. Visite classique du véhicule puis présentation des papiers au deuxième poste de police. Longue discussion. Les fonctionnaires restent perplexes face à un problème pour lequel ils n'ont manifestement pas la solution.
Je suis prié de dégager la douane bien embouteillée depuis mon apparition et de suivre dans son bureau le chef des services.
Très aimable, parlant un peu Français mais pas l'Anglais il tente à l'aide de schémas et de calendriers de comprendre le pourquoi et le comment de ma situation. Pas facile ni pour l'un, ni pour l'autre. Au bout de trente bonnes minutes et après plusieurs coups de téléphone, avec la même amabilité je suis prié de faire demi-tour et de retourner à Kursk pour régulariser ma situation au bureau de l'immigration. Dire que le même service à Novossibirsk avait donné le feu vert et confirmé la régularité de la situation n'a aucun effet sinon que de me faire expliquer que Novossibirsk n'est pas Kursk et ma proposition d'avoir au téléphone mon contact en Sibérie, monsieur Grigory Milogulov le consul honoraire, est repoussé. Je fais apparemment les frais d'une sorte de guerre des polices.
Je regagne donc la voiture raccompagné par ce brave homme qui prend la peine de me saluer avant de regagner son bureau! Ne me voyant pas bouger, un subalterne vient aux nouvelles. Je lui passe le téléphone où je suis en train de finir d'expliquer la situation à Grigory.
Suite à cette intervention, un nouvel examen de la situation doit avoir lieu. Je ne me fais aucune illusion, car je ne vois pas bien cette administration oser donner l'impression de se déjuger. Le résultat ne tarde pas à apparaître en la personne du grand chef qui revient pour l'annoncer en personne. Confirmation du premier jugement ! Et toujours avec la même amabilité, Canasson est prié de m'emporter vers Kursk. Cette fois, je prends le temps d'appeler le service d'aide aux Français de l'ambassade de mon pays à Moscou. Croyant à l'incompréhension que je semble avoir de la situation, le képi demande si j'ai un lexique Franco-Russe et vice-versa. Un peu désarmé par ma réponse négative, il fait un ultime effort pour expliquer que la porte pour l'Ukraine m'est fermée, mais que par contre sont grande-ouvertes pour Kursk. Après quoi, il disparaît me laissant à mon contact avec l'ambassade qui prend acte de la situation, mais semble, comme moi, penser que je ne couperai pas au voyage vers le service d'immigration à cent-vingt kilomètres de là pour y payer un nouveau visa, nécessaire pour parcourir les derniers cent mètres restant à parcourir pour entrer en Ukraine !
Ne me voyant toujours pas bouger, un nouveau képi, lui aussi très aimable vient me prier à son tour de bien vouloir quitter les lieux. N'ayant plus de cartes à jouer j'obtempère et suivant ses indications, reprend en sens inverse une des voies d'entrée non utilisée. Un nouvel intervenant vient alors mettre fin à la manœuvre d'expulsion. Canasson doit rester sur place et son maître doit suivre un troisième fonctionnaire qui prend soin de vérifier que j'ai avec moi tous les papiers.
Après avoir contourné les bâtiments administratifs, nous voici arrivés côté entrée en Russie. Et vous l'avez deviné, il me faut faire la procédure policière d'entrée en Russie alors qu'ils ne m'ont pas laissé en sortir ! Un premier douanier se met en charge de remplir les papiers à ma place, mais se trompe de numéro de passeport. La préposée au guichet me prie de tout recommencer.
Un Russe qui vient de me céder sa place dans la petite queue, s'empare aussitôt des nouveaux documents à remplir, quitte sa place devant le guichet et me prie de le suivre. Les documents sont ainsi remplis en un rien de temps par cet homme qui semble tout gêné face à mes remerciements...
J'aurai finalement mis presque autant de temps à rerentrer en Russie qu'à ne pas en sortir !
Canasson ronronne à nouveau sur l'asphalte russe en s'éloignant de l'Ukraine.
Comme il est midi très largement dépassé, un arrêt dans un parking du village tout proche permet de se restaurer et de faire le point : D'un côté, Kursk pas très loin, avec à la clé, au moins un visa à acheter et un week-end à attendre l'ouverture des bureaux de l'immigration. De l'autre, utiliser le temps restant d'ici lundi à tenter sa chance sur d'autres postes frontières avec au maximum la même sanction.
Le choix est vite fait. À quelques dizaines de kilomètres plus au sud, sur ma vieille carte russe existe une route traversant vers l'Ukraine. Il doit donc bien y avoir une frontière. Le réseau routier pour s'y rendre est des plus secondaires et, arrivé à Korenevo, sous la pluie, je cherche la sortie de l'agglomération qui pourrait bien mener au poste frontière dont je ne crois plus bien à l’existence. Alors que je fais demi-tour au fond d'une impasse, une voiture vient se ranger à ma hauteur. Le chauffeur me demande où je vais. Lui ayant donné le nom de la première ville ukrainienne voisine, il comprend immédiatement que je cherche le « Custom ». Comme il s'y rend précisément, je suis invité à le suivre. Dédales de petites rues défoncées et gorgées de gigantesques flaques d'eau alimentées par la pluie incessante, pour finalement ressortir des maisons et rejoindre une route correcte où nous parcourons cinq à six kilomètres. Devant les barrières de la douane existante, la voiture de mon guide fait brutalement demi-tour et j'ai tout juste le temps de me précipiter à sa portière, l'arrêter et le remercier. M'adressant un grand sourire, il retourne tout naturellement chez lui !
La douane est réservée aux frontaliers. Mais le douanier en service prend soin de me faire un plan des routes pour rejoindre l'une des deux frontières l'encadrant. Il est sûr que celle au nord ne sera pas mon choix, mais encore plus au sud, à Sudza, pourquoi pas ! De toute façon, je m'y serai rapproché à quatre-vingts kilomètres de Kursk, si j'y arrive ! Car je suis en train de visiter la Russie profonde pour m'y rendre, mais le macadam est présent. Le GPS finit par trouver la route, mais il faut remonter assez haut au nord avant de redescendre. Les documents routiers en ma possession ne me permettent pas de trop improviser. Alors je vais suivre les indications données. Un stoppeur ramassé sur la route entre deux averses, va m'indiquer une route directe en bon état qui met mon objectif à seulement trente kilomètres de là !
Il est tard, dix-neuf heures viennent de sonner et il reste encore un bon quart d'heure de route. À l'ambassade qui m'a appelé durant la route pour savoir quelle était ma situation du moment j'avais indiqué que je ne comptais pas passer en douane avant le matin pour ne pas risquer d'y passer la nuit.
Mais tout compte fait, pourquoi pas ! Si les fonctionnaires sont pressés de rentrer à la maison ?...
Le premier contrôle de police ne pose pas de question et j'entre dans la place. Au poste de douane, trois préposés souriants examinent les papiers un long moment. Puis, comme ce matin je dois mettre la voiture de côté pour libérer le passage et attendre.
Visite du responsable des lieux qui me prie de faire demi-tour. Mais cette fois je dois attendre hors du poste de douane. Mes papiers ne me sont pas rendus ! Il se passe quelque chose...J'obtempère et patiente un bon moment que j'utilise à me restaurer.
Le responsable finit par me rejoindre et il me faut faire à nouveau l'historique de la partie du voyage qui m'a amené à cette situation. Je suis écouté très attentivement et parfaitement compris. Après quoi, je suis à nouveau prié d'attendre cinq minutes et laissé seul.
L'ordinateur m'aide à tuer le temps et ne vois pas arriver trois hommes en civil qui frappent à ma fenêtre. L'un d'eux me demande mes passeports. Méfiant et ne sachant pas du tout à qui j'ai affaire hors de l'espace douanier, j'explique qu'ils ne sont plus en ma possession, mais certainement au poste de police tout proche. Les voyant revenir bredouilles après qu'ils soient entrés dans les bureaux de police, je suis rassuré sur leur intention. M'excusant de l'étourderie, les passeports sont remis à un jeune, bien habillé et souriant qui écoute lui aussi mon histoire avec attention. Tout à coup, les papiers me sont rendus et l'homme se confond en excuses au nom de la Russie pour les désagréments encourus. Il me prie de bien vouloir me présenter à nouveau aux divers services de la douane.
Premier poste de police, aucun ne contrôle. La douanière, au deuxième stop, semble toute gênée d'avoir à visiter mon habitation. Le dernier poste de police récupère les passeports et trois préposés commencent un examen détaillé de chacune des pages surtout celle des visas leur posant problème. Les trois experts civils de tout à l'heure ont disparu. Je n'ai pas même osé leur demander qui ils étaient et d'où ils arrivaient ?
La situation recommence à sentir le vinaigre. Et l'espoir revenu, commence à en prendre un sérieux coup. Mais cette fois je suis décidé, si ça tourne mal, à bloquer la douane jusqu'au retour en la place de mes trois anges gardiens.
Après un quart d'heure d'attente à n'y rien comprendre, je m'installe dans la cellule pour me réchauffer et grign
oter un peu. Je n'ai pas fini le yaourt attaqué que quelques coups sont frappés à la porte. Les deux passeports sont tendus et l'invitation à poursuivre vers l'Ukraine m'est faite.
La saga russe vient de prendre fin.