jeudi 18 avril 2013

> 13 au 26 avril – En Ouzbékistan

 
Samedi 13 avril

Au revoir à Shavkat et sa famille. À la sortie de Kunya Urgench, les trente kilomètres menant à la frontière ouzbèke de Khojeyli sont dans un état correct et la frontière est rapidement atteinte.
Les premières formalités se déroulent à merveille sur le sol turkmène. Beaucoup de politesses et d'amabilités de la part des autorités. À croire qu'ils se sentent indirectement coupables de notre accueil à Turkmenbashi.
Leurs collègues ouzbèkes enchaînent avec la même efficacité et gentillesse et nous sommes presque prêts à reprendre la route, lorsqu’arrive un officier donnant tout d'abord l'impression de vouloir se mettre au diapason de ses subalternes. Mais ses efforts d'amabilité sont de courte durée. D'un coup, l'atmosphère change. Des ordres ont dus être donnés et chacun des fonctionnaires se met avec zèle à fouiller et refouiller le premier de nos trois véhicules, celui de Bernard et Véro.
Cinq fois les passeports leur sont demandés et une fouille en règle recommence, opérée par de nouveaux intervenants. Les médicaments sont examinés avec soin et semblent vouloir être confisqués. Les passeports font une navette incessante entre les bureaux et leurs propriétaires jusqu'au moment où sortant de ses gonds, Véro refuse tout de go de les céder à nouveau.
L'officier, auteur du déclenchement des hostilités semble avoir disparu de la circulation. Ayant récupéré ses papiers Bernard démarre et se dirige vers le dernier poste de police en sortie de douane. Arrêté à mi-parcours, son passeport sera à nouveau examiné avant de pouvoir continuer sa route.
Pour mon véhicule, une simple fouille légère est opérée par deux douaniers montés à bord. Mes médicaments les intéressent. Comme je leur présente une liste détaillée des produits de ma pharmacie avec en regard leur posologie, ils la comparent minutieusement à une de leur propre liste. Je crois comprendre alors que certains produits sont interdits de transit. Cela nous sera confirmé quelques heures plus tard à Nukus. Sur ces entrefaites, un officier sans doute subalterne du coléreux monte à mon bord et très aimablement m'invite à ranger mes affaires et à ne pas traîner pour me préparer au départ. Nos passeports à Brigitte et moi-même nous sont rapportés. L'invitation à sortir de la douane nous est signifiée par un « Bienvenue en Ouzbékistan » accompagné d'un sourire. Momo et Patricia ne tardent pas à emboîter ma roue. Je subodore que l'on profite de l'absence du "pointilleux" pour nous libérer au plus vite! L'aventure turkmène vient de se terminer, nous sommes sur le sol ouzbek, paradis de la route de la soie avec des villes célèbres telles Khiva, Boukhara et Samarkand déjà relatées dans les récits de Marco-Polo. Nous suivons sa trace.
Nukus est notre étape du jour. L'hébergement est trouvé à l’hôtel Rahnamo (N 42°27'36,6'' E 59°36'57,9''). Pour quinze euros par personne, nous bénéficions du parking, des commodités, de l'eau pour nos réservoirs et surtout de l'enregistrement que d'aucuns disent obligatoire et d'autres non. L’ambassade ouzbèke, sans doute jumelée avec notre charmante Normandie ne nous a répondu ni oui ni non à cette question. Décision a donc été prise de jouer la prudence même s'il doit nous en coûter quelques euros supplémentaires. Certains auraient payé d'énormes amendes pour ne pas s'être pliés à ces formalités.
La soirée se passe dans un petit restaurant. Notre hôtesse nous y accompagne. Bientôt rejoints par son mari nous donnons tous ensemble en concluant les agapes par une vodka sortie du sac de notre hôtelier hébergeur.
Dimanche 14 avril
Nukus possède paraît-il le musée le plus important d'Asie centrale. Surnommé le Louvre du désert, il est à notre programme dès l'ouverture à dix heures ce matin.
Déjeuner à la maison, pleins d'eau, et nous sommes sur la route, direction Khiva.
De suite le décor change. Le désert encore présent est vallonné, bordé sur l'horizon par de petits reliefs. Malheureusement, de lourds nuages les masquent partiellement. Pour la première fois, il est plaisant à regarder.
Petit à petit notre route filant Sud est nous rapproche de l'Amou Darya longeant souvent d'assez près la frontière d'avec le Turkménistan . Ce fleuve détourné pour l’irrigation des cultures de coton a cessé d'alimenter la mer d'Aral causant ainsi l’assèchement de ses deux tiers sud sous la dictature stalinienne. Au long de son parcours encore lointain sur notre droite, une végétation abondante se dessine. La terre également apparaît au long de la route et des cultures commencent. Nous sortons semble-t-il du désert Karakoum.
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     À l'approche de Khiva, il nous est donné de traverser les eaux boueuses de cet énorme fleuve ainsi que les multiples canaux qui s'en échappent.
      Nous dormirons près des remparts de l'ancienne ville, sur le parking privé et fermé de l’hôtel Arkanchi.
      Là aussi nous sera fourni un papier d'enregistrement
Lundi 15 avril
Aujourd'hui nous nous sentons plus que jamais sur les pas de Marco Polo en visitant Khiva, l'une des grandes villes mythiques de la route de la soie.
Environ 56 monuments répartis en mosquées, medersas, mausolées et caravansérails sans compter les musées s'éparpillent au sein de la vieille ville. La plupart des édifices ainsi que les maisons d'habitation sont bâtis en torchis.
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Après avoir parcouru sans y pénétrer pour l'instant, ces lieux de mémoire des routes de la soie, avec Brigitte, tous deux, nous flânons le long des remparts loin des lieux historiques à seule fin de rencontrer des habitants dans leur quotidien. Il est onze heures trente environ, nous parlons de trouver un petit resto dans un coin si possible reculé de la zone touristique.
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      C'est alors qu'une dame nous interpelle et nous propose de venir manger quelque chose dans sa modeste maison. Une façon comme une autre de boucler les fins de mois pensons nous. Des rencontres comme celles-là, nous les adorons tous deux. À mon sens elles justifient presque, à elles seules, un voyage. Passée la petite porte basse donnant accès à une cour intérieure encombrée de bois et autres instruments de travail, nous franchissons celle de la maisonnette.
IMG_0272        La salle de séjour se partage en deux, avec dans sa moitié droite la traditionnelle table basse entourée de coussins et tapis. La grande théière familiale en métal trône déjà sur la table et nous faisons connaissance avec la famille proche, qui se réunit dans la pièce pour nous accueillir. La maîtresse de maison assise à nos côtés nous présente sa fille, petite jeune fille de 13 ans ainsi que son fils, maçon de son état, lui-même fier de nous présenter son enfant de deux ans jouant sur les genoux de sa mère.
Quelques allers et retours vers la cuisine, et voici la table qui se garnit de deux pains ronds en galette et d'une assiette remplie d’œufs au plat. De toute évidence, nous sommes invités à cette collation et nulle intention commerciale n'avait motivé notre hôtesse en nous accostant. La fillette, à notre grand étonnement parle quelques mots de Français tout en nous présentant fièrement son cahier d'école ou trois pages sont remplies de textes divers dans notre langue. La mère du bébé quant à elle parle un peu anglais ce qui facilite nos échanges.
Dans l'après-midi nous reviendrons offrir les photos prises et tirées par un photographe local, plus une  peluche pour chacun des enfants.
Mardi 16 avril
Nous quittons notre hôtel bruyant, car plusieurs chauffeurs de car y séjournent. Leurs véhicules jouxtent les nôtres. Les départs matinaux nécessitant un long temps de chauffe des moteurs pour assurer la charge des réserves en air, nous ont été, pour la deuxième fois ce matin, un doux réveil.
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     Pour rejoindre la grande route menant à Boukhara, toute la matinée nous remontons la vallée rive gauche de l'Amou Darya. La terre y est belle et les cultures nombreuses.

      Vignes en espaliers et arbres fruitiers se succèdent entrecoupés de grands champs labourés et hersés, sans doute prêts à être plantés de coton. Beaucoup de villages animés sont traversés.

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  Par contre notre quête de pompes à diesel se solde par un échec.

  Nous étions prévenus, il y a pénurie de carburant dans le pays et notre situation géographique sur cette route secondaire n'arrange rien
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Pompe remise à “0” !
.  Beaucoup de véhicules, surtout de minis cars du service régulier sont dotés de trois ou quatre bouteilles de gaz sur leur toit.
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La route redevient par endroits très dégradée. En tout début d'après-midi, juste avant de retraverser l'Amou Darya pour regagner la nationale de Boukhara sur sa rive droite, un poste de contrôle policier important est franchi. Nous sommes il est vrai tout prêt de la frontière Turkmène à cet endroit. Sitôt passé le fleuve, d'un coup nous retrouvons le désert. La route s’améliore nettement sauf sur les kilomètres évitant par une piste parallèle l'autoroute encore en construction.
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      Malgré quelques kilomètres d'autoroute, laissant espérer un temps une arrivée ce soir à Boukhara, nous dormons en cours de route auprès d'un petit restaurant (routier) où après un bon dîner, la nuit sera assez bruyante en raison d'un trafic auquel nous ne nous attendions pas vraiment..
Mercredi 17 avril
Nous arrivons sur le coup de midi à Boukhara. Après quelques formalités bancaires (il faut bien vivre...) un petit resto est trouvé tout près de la poste sur le parking de laquelle nos véhicules ont trouvé place.
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Le temps déjà couvert ce matin se gâte et c'est sous une petite pluie froide que nous nous forçons à un premier tour de la vieille ville. Sortant de Khiva, ville plaisante, animée et authentique, je suis ici déçu tant Boukhara est encombrée de marchands tout au long de ses monuments, il est vrai, guère mis en valeur par la pluie. On attend le touriste de pied ferme !
Après quoi, recommandé par Rachid, notre hôtelier de Nukus, nous nous présentons à l'hôtel Porso, qui nous accueille pour deux nuits dans les mêmes conditions.
Jeudi 18 avril
Sous le soleil nous avons un tout autre visage de la ville. Même la présence des marchands me parait un peu moins déplacée ! Il n'en demeure pas moins, qu'à mes yeux, ce clinquant n'a plus rien d'authentique, même si la beauté des monuments n'est pas contestable, loin de là. Le touriste avant tout !
Dans la cour de la superbe médersa nous croisons un groupe de femmes du troisième âge, touristes Ouzbèkes, joliment vêtues. Leur guide procédant à la mise en scène du groupe pour ses propres clichés, nos appareils photos et caméras se mettent frétiller d’envie.
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Nous nous lançons, le mitraillage commence. Et chacune de ces dames de vouloir être immortalisée avec l’un ou l’autre d’entre nous. Plusieurs minutes de rires, sourires et remerciements. Un moment émouvant, d’autant que nos premiers clichés de loin, se voulaient discrets et respiraient l’interdit.
Pour midi, avec Brigitte nous acceptons un repas préparé par une famille moyennant un prix modeste, mais qui représente pour elle un apport sûrement non négligeable.
Vendredi 19 avril
En route , destination Samarcand en deux étapes. Au lieu de prendre l'autoroute directe, nous choisissons une route disons nationale passant par Qarshi puis Ghuzar à environ 210 km au sud est de Bukhara. Ainsi demain en remontant plein nord sur Samarcand, nous ferons la visite de Shahrisabz, ville natale de Tamerlan.
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      Le paysage au cours de la journée va très progressivement mais régulièrement évoluer, passant de désert d'une grande platitude mais déjà assez riche en herbes et petits buissons à un paysage plus vallonné où de grandes surfaces cultivées de colza, arbres fruitiers et coton deviennent le premier plan d'un relief au lointain de plus en plus accentué. Malheureusement une brume tenace voile ce décor
Rencontre à midi avec des bergers


…production de gaz…essentiellement pour le parc auto et l’exportation.
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. Nous avons décidé de tenter une nuit sans hôtel. Décision est prise de trouver un point de chute au prochain village rencontré. Qiziltépa, à mi distance entre Ghuzar et Shahrisabz se présente. Momo regarde un peu plus loin pendant que Bernard tourne à droite et s’enfile dans une rue animée par la présence de quelques petits commerces. Un instant d'hésitation et je lui « emboîte la roue ». Plusieurs ruelles de terre battue ou à peine goudronnées quadrillent un quartier de maisons individuelles toutes fermées par des portails métalliques.
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Les grands-parents
Nos hôtes
Bernard s’enfile dans l'une d'elle alors que je pénètre dans la suivante. Dès les premiers mètres un espace herbeux assez plan se présente. Quelques dames font la causette sur un banc le long du mur. Je me lance à leur poser la question en langage des signes, bien sûr. Très rapidement le grand portail métallique bleu s'ouvre en grand.
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      Mais nous sommes trois voitures suis-je tenu d'expliquer ! Pas de problème d'après le maître des lieux, mais mon avis diffère quelque peu. Coup de C.B. à l'adresse de Bernard certainement toujours dans la ruelle parallèle. Lui aussi vient de trouver un hôte. Que faire, pour ne pas vexer ces gens à l'hospitalité si naturelle ? ...Rien de plus simple, accepter chacun l'invitation reçue et demain seront les retrouvailles.Des deux côtés, dans des familles aux conditions sociales assez opposées, nous vivons les mêmes scènes de rassemblement du quartier.
Les six enfants
Chacun voulant, qui être photographié, qui visiter la maison sur roue, qui encore la description de notre voyage dont la carte est apposée sur nos véhicules.  Le calme un peu revenu, une invitation à la mesure des moyens de la famille nous rassemble autour d'une table.
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IMG_0116 Avec Brigitte nous partageons en compagnie du maître des lieux, de sa femme et des grands-parents paternels une délicieuse soupe et d'un gros pain déjà un peu rassis. Quelle gentillesse et générosité lorsqu’il y a si peu à partager. Les trois plus jeunes des six enfants, entre 8 et 12 ans, non présents à table vont recevoir pour les deux fillettes une peluche et le garçon des petites voitures. Des pochoirs dessins à se partager leur éclairera le visage d'un sourire fendu jusqu'aux oreilles.
. Quelques vêtements pour les parents et la soirée se termine avec les six enfants dans la cellule face à une séance de projection photos
Samedi 20 avril
Petit revers de la médaille, ces travailleurs se lèvent tôt. A six heures nous décidons de faire bonne figure face à des gens déjà sur pieds depuis près de trois quarts d'heure, y compris les enfants.
A peine ouvrons nous notre porte que l’attroupement des voisins, sans doute déjà aux aguets, se recompose.
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Le grand père et son fils acceptent notre invitation et très fiers prennent le thé en notre compagnie dans le véhicule.
Chacun des enfants a revêtu son uniforme d'écolier. Des copains et copines se présentent et voici le ramassage scolaire qui s'organise. Brigitte monte dans la cellule avec cinq ou six de ces écoliers, tandis que s'installent dans la cabine, très fiers, le fils de notre hôte avec l'un de ses potes.
Quelques trois cent mètres plus loin, ayant remonté la ruelle de terre, nous ne passons pas inaperçus en nous arrêtant face à la porte de l'école.
A neuf heures, comme convenu les trois voitures se retrouvent, c'est le départ pour Samarcand.
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Vente de pain au long de la route
Camion de coton
Quel changement. Le désert n'est plus et les reliefs, nous séparant de l’Afghanistan assez proche sur notre droite, sont de plus en plus rapprochés. Les cultures de coton sont nombreuses, en témoignent les camions transportant ce précieux produit. Blé et colza sont également présents.
Lorsque les collines sur notre gauche prennent plus d'importance et se rencontrent avec celles de la droite, il est temps de franchir un col à 1788 mètres d'altitude qui nous fera passer dans la vallée de Samarcand. Tout est vert, les blés sont déjà bien avancés et moi qui m'imaginais cette agglomération en plein désert, comme Bukhara, Khiva et Nukus!
L'entrée en ville nous offre les trous et ornières les plus mémorables déjà rencontrés : Une horreur ! Même au pas, le labyrinthe est illisible. Il n'y a pas le choix, il faut choisir les trous les « moins pires ». L'enfer s'achève à quelques hectomètres du Régistan, cette place autour de laquelle se dressent les monuments les plus célèbres. Il ne faut tout de même pas décourager les touristes...
Tout proche se situe l’hôtel Afrosiyab indiqué par des amis comme un bon bivouac. Nous le trouvons en travaux et fermé. Il nous faut à tout prix un OVIR, cette preuve d'inscription susceptible d'être réclamée en sortie à la douane. Bernard après quelques recherches trouve le « City Hôtel ». Parking, OVIR, eau et WIFI gratuits seulement de 21h à 8h, à trois minutes à pied du Registan. Toutefois pas de petit déjeuner pour les 15 dollars demandés par personne. Sur le point d’opter pour cette destination, SMS sur le portable de Bernard. C'est Rachid qui ne nous a pas oubliés ; il faut dire que Bernard lui fait faire un maximum d'exercices de mémorisation ! Un hôtel encore plus proche du Régistan nous accueille volontiers, offrant en plus, le breakfast. Contact téléphonique, confirmation et 10 minutes plus tard le fils de l'hôtelier vient en voiture pour nous guider jusque chez lui. Heureusement, car nous n'aurions jamais trouvé. Petite ruelle étroite prenant à 90 ° au fond d'un renfoncement donnant sur l'axe principal. Presque invisible sans connaître. Un grand portail donne sur cette quasi-piste et la première tentative de Bernard pour se faufiler jusqu'à la petite cour intérieure tout juste suffisante se solde par un échec. Le petit escalier en fer forgé heureusement prévu démontable qui empiète sur l'espace du portail, afin de mener à une chambre à un mètre cinquante du sol, doit être enlevé. Nous sommes tout prêts d'abandonner cet emplacement, d'autant qu'un embouteillage se forme dans la ruelle obturée par les deux véhicules en attente de manœuvre. Le jeune hôtelier en pleins travaux insiste. La persévérance est payante, puisqu'après avoir enlevé l’escalier, soulevé un tuyau de gaz suspendu en travers de la cour et repoussé deux lianes tombant d'un balcon, les trois voitures ont pris possession de la totalité de l'espace disponible.
Les lieux sont superbes. La cour pavée est bordée d'une bâtisse à trois niveaux construite autour d'un gros arbre aux formes tourmentées. L'escalier métallique extérieur mène à la terrasse sommitale offrant une vue panoramique sur les monuments tout proches.
Dimanche 21 avril
Un vrai havre de paix cet emplacement si ce n'était la passion du propriétaire pour les volatiles les plus divers, transformant ainsi les plantes omniprésentes dans cette cour, au long des escaliers et des balcons, en une jungle caquetante, gloussante et j'en passe, car jamais encore entendus ! Si le résultat est agréable en journée, cela ne favorise pas forcément la grasse matinée lorsque tout ce petit monde envisage de vous dire bonjour dès le lever du soleil.
Il fait beau et comme d'habitude notre équipage non adepte des nuits prolongées est le premier à petit-déjeuner. Superbe salle à manger où se morfond un piano droit pas trop bastringue. L'absence de convives m'incite à un petit dérouillage des doigts. Les deux autres équipage tenaillés par la faim se présentent et m'invitent, non à continuer mon matraquage d'oreilles, mais à reprendre un thé tous ensemble. Pourquoi pas. Quelle n'est pas ma surprise de voir se poser devant moi un gros biscuit du pays planté d'une grosse bougie. L'ancien vient de prendre un an ! L'ambiance du groupe est super, preuve en faite.
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Ensembles nous parcourons toute la matinée les hauts lieux de ce Samarcand dont tout voyageur a rêvé un jour. Une grande place, le Régistan, et autour des joyaux de mosaïques rendus vivants par la présence d'une foule d’Ouzbèkes à la découverte des trésors de leur pays. Les femmes portent presque toutes de longues robes d'un tissu coloré de couleurs chaudes à l'aspect velours souvent agrémentées de fils dorés et de petits objets brillants.
La soirée, allongés sur un des Takhtan de l’hôtel, se passe autour de la clairette pour fêter l'anniversaire lorsque, surprise, un plov (plat traditionnel) offert par la maison nous arrive sur la table. Incroyables ces Ouzbèkes !
Lundi 22 avril
Avant hier à notre arrivée dans les premiers trous de la ville, un bruit très inquiétant m'a fait m'inquiéter d'une éventuelle casse de mon châssis. Un premier examen très rapide sur place n'a pas éclairé ma lanterne.
Ce matin, je veux en avoir le cœur net et attend l'arrivée du garagiste prévenu par notre hôtelier. A 10h, je revêt mon bleu de travail. La dépose de la cellule est effectuée sous ma directive. « Monsieur Gérard » est très demandé de tous côtés auprès des ouvriers pour confirmation de l'action à effectuer. Une demie heure la cellule orpheline de son 4x4, se retrouve perchée sur ses verrins et étayée de 4 grosses sangles. Tout le monde est impressionné par cet objet, un peu ovni, qui trône maintenant sur le grossier terrassement préparant l'agrandissement de la route juste devant les trois petits ateliers d'Obid, le jeune gérant de l'ensemble.
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Le véhicule se présente sur la fosse d'où la fissure du châssis côté gauche est bien visible. Ces magiciens de la mécanique avec peu de moyens, vont entreprendre de ressouder puis renforcer celui-ci en le prenant en sandwich entre deux plaques également soudées.
Jusque vers treize heures, le temps de récupérer le matériel nécessaire à l 'addition d'une nouvelle lame de ressort aux suspensions arrières,comme je le leur ai demandé, je pars traîner un peu au long d'un petit boulevard voisin.
IMG_0323 Les petits « Magazin » de matériaux de construction y sont nombreux. Sur les trottoirs voisins, nombre de personnes en discutions semblent acheter ou bien proposer leurs services. Mon errance solitaire sera de courte durée. Rapidement un jeune cycliste m'aborde pour me demander l'heure. Sans vocabulaire, seule la lecture de ma montre peut le renseigner.
Parti un instant, le gamin me retrouve plus loin pour m'accompagner simplement sur plusieurs centaines de mètres.
  Langage des signes aidant, nous faisons plus ample connaissance. Après deux bons kilomètres, je reviens sur mes pas. Notre route diverge, je suis de nouveau seul quelques instants. Deux autres enfants de douze et treize ans, l'un piéton l'autre cycliste prennent le relais. Le plus âgé manipule quelques mots d'Anglais. Tous deux restent en ma compagnie un long moment. Par deux fois ils me diront au-revoir, mais reviendront à mes côtés peu de temps plus tard.
Un chachlyk, brochette de viande de mouton haché, dans un boui-boui en guise de déjeuner et je retrouve les garagistes finissant le rajout d'une première lame de ressort récupérée sur un camionnette. Obid parle Anglais. Prié de m’asseoir sur un banc posé le long du mur du petit local de réparation, je vois arriver un plateau repas pour les travailleurs transpirant sous ma voiture. Ils mangent à deux dans le grand plat prévu pour eux et me tendent une plus petite assiette copieusement remplie. Ils viennent de m'inviter...
Vers dix sept heures trente alors que les essais sont en cours sur la route défoncée d'en face, un violent orage éclate. Rapidement le déluge commence à remplir l'excavation servant de parking à la cellule. Sa remise en place sous la pluie finissante en pataugeant joyeusement dans la glaise, sera mené de main de maître et rapidement sans presque devoir solliciter mes conseils. Ils avaient du premier coup, tout compris !
Mardi 23 avril
L'équipage Bernard nous abandonne provisoirement. En effet, le dos de Veronique ne se remet pas d'un choc violent ressenti dans le 4x4 nous menant sans ménagement au cratère de gaz lors de la traversée du Turkménistan. Le Kirghizistan, parcouru lors d'un précédent voyage leur est connu . Par sagesse, pour ne pas compromettre la Chine ils ont pris la décision de rester tranquille en roulant un minimum en attendant nos retrouvailles à Osh, au Kirghizistan le 6 mai.
Seuls deux véhicules partent donc ce matin pour Tachkent. La bonne route annoncée ne l'est pas tant que ça et ce n'est que vers dix sept heures que nous prenons place sur le parking de l'hôtel Ousbékistan pour la nuit à venir.
Mercredi 24 avril
Première urgence, se rendre à l'ambassade de France pour savoir exactement ce qu'il en est de ce bruit sur le visa Kyrghyse. Madame la consule est très claire : Pas de Visa pour les ressortissants Français sans aucune distinction quant au moyen de transport, voie terrestre ou aérienne.
Le problème posé des enregistrements est lui aussi posé. Officiellement, pas d'enregistrement nécessaire si moins de trois jours dans une même ville. Les campings caristes quant à eux, autonomes par définition n'ont pas besoin d'enregistrement. Ça, ce sont les textes établis par les autorités. Mais dans les faits, le fonctionnaire « lambda », douane ou police ne connaît pas ces textes. Il est donc fortement conseillé de s'enregistrer autant de fois que possible...sachant qu'une nuit en transit sur la route devrait être acceptée sans problème...
Forts de ces renseignements, par sécurité, nous partons à la recherche d'un hébergement susceptible de nous faire cette « registration » pour la nuit à venir. C'est à la « Gulnara guesthouse »que nous atterrissons, conduits par un taxi. Il est un peu plus cher que les autres hôtels de notre parcours, mais nous sommes dans la capitale. Le lieu est calme,et propre et semble s'inspirer le l’ambiance auberge de jeunesse. Par contre il n'y a pas de parking et nos véhicules resteront sur le bord de la petite route donnant accès à l'établissement.
Nos chambres réservées, nous partons déjeuner au bazar voisin. Le retour à nos voitures pour les rapatrier est décidé par le métro. A trois station de là, notre hôtel doit être rejoint puisque son nom est sur le plan. Au moment de descendre, tout occupé à tenter le déchiffrage en cyrillique le nom affiché sur le mur de la gare, les portes se referment sur notre Momo qui disparaît,seul, dans le tunnel, nous abandonnant à notre quai. Nous l'y attendons pensant bien que la prochaine rame en sens inverse nous le restituerait. Ce fut le cas.
Un taxi nous aidera à terminer notre retour aux voitures qui sont encore à deux kilomètres et demi (dixit le GPS). Ce n'était donc pas notre superbe hôtel de la nuit passée qui avait inspiré le nom de notre station de métro !


Jeudi 25 avril

Au départ de l'hôtel, alors que je remets le pare-brise en état après une nuit passée sous un mûrier quelle n'est pas ma surprise de constater la disparition de mon antenne CB aimantée installée sur l'aile. Le câble a été soigneusement coupé à la pince. Momo, notre expert électronicien, me bricole une antenne de secours avec deux mètres de fil électrique. Ce n'est pas brillant comme performance, mais ça va bien nous dépanner tout au long de la journée à la condition de ne pas être trop distants l'un de l'autre.
Le temps est beau au-dessus de nous, mais encore faudrait-il monter au-dessus de cette couche légèrement ocre qui masque tout décor à quelques centaines de mètres seulement. Une centrale électrique thermique croisée à  une dizaine de kilomètres plus loin nous donne une partie de la réponse : la pollution. Quel dommage, car nous sommes dans une zone montagneuse et pas le moindre indice pour nous confirmer la présence de sommets tout proches sans doute encore enneigés. La carte nous les positionne de part et d'autre de cette vallée qui se resserre de plus en plus. La route monte maintenant et la visibilité s'améliore un peu en se rapprochant d'un col perché à 2262m par lequel nous replongerons sur Kokand. En attendant, au passage des deux tunnels évitant l'ancienne route de ce col, le temps change brusquement, nous accueillant par une forte pluie en sortie du premier, et la grêle en sortie du deuxième. Puis avant même la fin de la redescente le soleil réapparaît au travers de quelques nuages toujours tenaces.
Petit tour dans cette petite ville, pour tenter de repérer un coin tranquille pour le bivouac. Recherche infructueuse qui nous ramène a un point GPS que nous avions en poche.
Il n'est pas bien tard et la présence sur la plupart des  taxis jaunes de la ville d'une antenne GPS laisse à penser que ce matériel n'est pas inconnu dans le secteur. Un de ces taxis est donc arrêté, entraîné vers mon véhicule et le langage des signes permet de faire comprendre à son jeune conducteur ce que nous cherchons. Après qu'il nous ait signifié l'absence de tout magasin susceptible de nous dépanner, son téléphone se met en action et rapidement avec Momo nous comprenons qu'une solution est en train de voir le jour. La petite voiture jaune nous fait traverser toute l’agglomération et nous voilà rendus devant une maison très modeste. Le propriétaire apparaît et nous entraîne dans son atelier de réparation de divers matériels électroniques, en terre battue et poussiéreux à souhait. Sur l'établi de bois brut trône un vieux poste TV noir et blanc sur laquelle une image neigeuse se projette. Momo, présenté comme un collègue, est ahuri par cette « caverne d'Ali Baba » tenant autant, du marché aux puces que de la poubelle et d’où apparaît une antenne CB de récupération au demeurant en bon état.
Je dois insister beaucoup pour faire accepter un règlement auquel je tiens. Un billet dans la poche, notre électronicien n'en finit plus de me remercier. De retour à la maison, c'est au tour du chauffeur de taxi de refuser tout payement, ce qui bien sûr, ne sera pas plus admis. Incroyable, cette gentillesse et ce sens de l'accueil rencontré à travers tout le pays.
Momo dirige la réparation qui s'interrompra par un apéro pour fêter l'arrivée de la nuit.

Vendredi 26 avril

À neuf heures, la nouvelle antenne marche à merveille et Momo se réjouit de mon infortune  tant il avait pesté contre mon ancienne dont les résultats étaient décevants. De là à imaginer qu'il aurait pu être l'auteur du larcin mettant fin à ses multiples tentatives de réglages...
Nous nous dirigeons maintenant vers la frontière en parcourant la vallée de la Ferghana. Dans un décor montagneux désertique qui se devine à quelques kilomètres de chaque côté, nous sommes dans une véritable oasis. Baignées de multiples canaux d’irrigation, les cultures de coton et céréales s'y devinent.
Tous les villages présentent le même décor. Des vignes en tonnelle recouvrant la totalité des trottoirs de la rue principale. Elles masquent partiellement de petites maisons alignées et souvent semblables, construites des gros galets ronds scellés par du torchis.
Depuis notre départ de Samarqand, le réseau routier s'est considérablement amélioré. Même cette petite route secondaire où nous sommes est convenable.
La douane est devant nous à 18h30. Une grosse grille fermée d'un cadenas en interdit l’accès. Un panneau indique sa fermeture dès dix-huit heures. Qu'à cela ne tienne, Momo interpelle la sentinelle en garde derrière les grilles. « Nous sommes Français », phrase magique s'il en est, ne nous fait pas renvoyer notre présentation au lendemain. Le garde téléphone, ausculte nos passeports et en peu de temps, le cadenas s'ouvre. Nous sommes dans la douane.
Seuls, et pour cause, en dehors de trois camions déjà présents dans l'enceinte, les formalités, côté Ouzbèke, s'effectuent normalement, sans que rien ne soit négligé, mais sur un ton très courtois. Une heure et demie environ, la norme dans ces pays, et nous voici côté Kirghize. Après l'apposition d'un simple tampon sur le passeport, aucun visa n'étant requis pour les Français, le tout se termine en dix minutes.
L'aventure ouzbèke est terminée, nous sommes en territoire kirghize. Seule la nuit dérange quelque peu notre recherche de l'Hôtel Osh fixé comme point de chute, suite à des commentaires trouvés sur internet. Après quelques demandes, une brave piétonne, questionnée peu de temps auparavant, sort du taxi qui vient de nous doubler, et nous signifie de suivre le véhicule. Quelques centaines de mètres plus loin, nous entrons dans un parking fermé et gardé, face à un hôtel dont nous ne lisons pas le nom. Un gamin de douze ans environ nous en ouvre la porte moyennant la modique somme de 1$ pour la nuit.






















































mercredi 17 avril 2013

> 3 au 12 avril – Le Turkménistan

Mercredi 3 avril

On attend dans le port en s'occupant qui à la lessive, qui sur le clavier de l'ordinateur, qui sur le GPS en vue des routes futures.

Quelques courses dans les commerces non loin. Nous savons que le départ ne sera pas pour aujourd'hui : pas assez de clients...

Jeudi 4 avril

Hier au soir, avec l'assentiment du garde qui nous a aimablement ouvert les grilles, Brigitte et moi même nous sommes évadés du port pour regagner Bakou, s'y balader un peu en faisant quelques photos et envoyer une dernière mise à jour du blog depuis le sol azéri !

Rentrés sur le coup de minuit, nous avons trouvé un port très calme et presque sans plus aucun camion.

Donc ce matin nous essayons de remettre ça, histoire de tuer le temps. Mais arrivés à la grille du port, la police nous refuse la sortie du véhicule. Par contre, a pied ou en taxi, pas de problème, autant que l'on veut ! La matinée se passe donc à extrapoler sur les moindres mouvements de personnes ou de véhicules jusqu'au moment où la lourde porte de chargement du bateau commence à s'abaisser. Deux jours qu'elle est verrouillée en position fermée. Comme un seul homme (malgré la présence de trois femmes...) nous abandonnons nos activités pour assister à la montée à bord d'une camionnette. Apporte-t-elle du ravitaillement pour une traversée imminente ? En tout cas, après qu'elle soit repartie, la passerelle abaissée ne remonte pas.

Vers quatorze heures, la préposée aux douanes, toute sur son « trente et un », vient en personne nous prier de nous présenter aux bureaux de police pour enregistrement. Bien sûr questionnée, le départ pour aujourd'hui nous est confirmé.

DSC09939       A seize heures environ nos voitures sont sommairement visitées par la douane et son représentant nous souhaite bon voyage et nous invite à nous présenter à l'embarquement du bateau. Très peu d'attente, pour laisser passer un ou deux camions et nous nous engouffrons enfin dans les entrailles du navire. Un plancher « ascenseur »va nous faire nous retrouver à fond de cale.

      Un matelot nous guide ensuite, deux niveaux plus haut, à nos cabines.

Surprise, nous sommes ensemble dans une cabine unique équipée de trois groupes de deux couchettes superposées. L'ensemble n'est pas luxueux, loin de là, mais nous nous attendions à bien pire ! Moyennant finance il serait possible d'obtenir auprès du personnel, l'accession à des cabines individuelles ou de deux, mais là, le spectacle n'est pas engageant et nous restons sur notre position.

Plusieurs d’entre nous profitent d'une douche extérieure aux cabines. Acceptable...mais quel bonheur de laisser couler l'eau à loisir !

Véronique, fouineuse de première (dixit Bernard) prend contact avec le cuistot du bord et visite les cuisines. Nous prendrons tous notre repas dans la salle à manger rustique, mais propre réservée aux chauffeurs et exceptionnellement aux touristes. Ces derniers ne sont sûrement pas bien nombreux à nous avoir précédés en ces lieux.

Vingt et une heures quarante, le chargement doit tirer à sa fin, et nous ne devrions plus être bien loin du départ. La saga est elle finie pour autant ? Nous le saurons demain après midi à notre arrivée à Turkmenbashi.

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     Vingt deux heures, dans notre dortoir aux couchettes grand luxe (environ 65 euros par personne !!), chacun s'est endormi tant bien que mal (plus-tôt mal que bien...).

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      Au bout d'une heure, un bruit de treuil me tire de ma torpeur et me donne un bon prétexte pour interrompre cette situation inconfortable sur un matelas couvrant un sommier à bout de souffle et tout prêt à me laisser tomber pour rejoindre Brigitte dormant juste en dessous.

Dehors la fraîcheur est très supportable, couvert d'un anorak enfilé sur le pyjama.

Je pensais assister à notre départ. Mais le bruit entendu était celui du treuil manœuvrant la passerelle par laquelle une demie heure plus tard monte à bord le commandant. Un des officiers de quart apparaissant sur le pont avec un gros dossier sous le bras m'explique que les formalités douanières restent à accomplir pour pouvoir lever l'ancre dans environ une heure. Peu de temps après arrivent effectivement au pied de la passerelle l'officier de police qui avait effectué nos enregistrements à terre ainsi qu'un personnage revêtu d'un uniforme bardé d'écussons indiquant vraisemblablement son rang dans la hiérarchie

Vendredi 5 avril

Zéro heure quinze, notre cargo passe les lumières verte et rouge balisant la passe de sortie du port. Ça y est, nous voguons ver le Turkménistan.

Au matin, avant le breakfast préparé par le cuisinier du bord, je rôde sur les ponts du bateau à l’affût de quelques images pour le caméscope. Véronique s'y trouve déjà et nous finissons par nous retrouver dans le poste de commandement, invités par les deux officiers de quart à visiter les lieux.

Quinze heures trente, notre navire vient de finir sa manœuvre d'accostage. Nous allons bientôt fouler le sol Turkmène, ce qui il y a peu de temps encore n'était pas gagné.

La sortie des camions commence et il faudra plus d'une heure pour que notre trappe de fond de cale soit libérée et que nous puissions remonter en surface et nous extraire vers le soleil.

Encore une bonne heure d'attente sur le quai. Rien ne se passe. Que faisons nous à côté des camions ? Formalités douanières ? ...de police ?... Nul ne sait, nous attendons...

Tout à coup, les premiers camions s'ébranlent. A leur suite, nous parcourons deux ou trois km peut-être et arrivons auprès d'un grand bâtiment : sûrement douane et police. A peine stoppés, se présente à ma portière un jeune homme, Shavkat. Il sera notre guide pour les neuf jours à venir.

Nous le suivons munis de nos papiers et commençons un circuit administratif qu'aucun d'entre nous n'avait connu lors de précédents voyages dans des pays pourtant très divers et réputés compliqués. Douze bureaux nous verrons ainsi défiler. Aucun n’arbore le moindre ordinateur. Chaque fonctionnaire s'applique à son tour à déchiffrer nos documents et en recopier les mêmes données sur ses propres registres. Suivent un ou plusieurs coups de tampons certain émanent du même agent, mais pas au même moment du circuit, ce qui implique donc de lui rendre à nouveau visite parfois après s'être rendu chez un collègue situé de l'autre côté d'une cour dans une autre aile du bâtiment. Les chauffeurs rencontrés sur le cargo, livrent la même bataille, contre l'administration et nous même qui, grâce à l'audace de Véro et Bernard, leur grillons la politesse et pouvons réunis, déposer simultanément nos six dossiers sur le bureau du « gratte papier » impliqué dans l'enregistrement de l'instant.

Vingt deux heures quarante cinq, le dernier tampon est apposé sur le dernier dossier. Regagnant enfin nos véhicules, on nous presse de vite démarrer car garés le l'autre côté d'un voie ferrée qu'il nous retraverser, nous risquons d'être longuement bloqués par un train annoncé. Sept heures que nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Nous nous y attendions un peu mais n'avions pas imaginé une telle virtuosité à inventer des circuits aussi tordus, compliqués et vraisemblablement inutiles. Enfin, pas tant que ça, puisque presque chaque bureau s'est efforcé d'ajouter sa petite taxe, l'un, une assurance obligatoire, un autre une taxe routière, un troisième une une sur les carburants, sans oublier la taxe de camping puisque nous sommes nomades et telle autre pour le passage d'un pont sur Lamou Darya, cet important fleuve qui alimentait la mer d'Aral et que son détournement par Staline pour irriguer des champs de coton a presque totalement asséchée. Une catastrophe écologique majeure.. A la sortie la douloureuse se chiffre à 165 dollars par véhicule. Le Turkménistan se mérite. L'ombre de l'union soviétique plane toujours, et un soleil rasant à même du la décupler !

Vite nous traversons les voies, guidés par Shavkat. A peine la troisième voiture est elle passée, que la première se heurte à un gros portail métallique fermé d'un grosse chaîne cadenassée.

Le train passe maintenant. Nous sommes coincés entre lui et cette porte que personne ne se propose de nous ouvrir. Notre guide mettra une demie heure à trouver le tenancier de la clé qui s'exécute contre monnaie sonnante et trébuchante.

Un kilomètre plus loin à peine, poste de police. Encore une ne demie heure de sommeil en moins pour faire à nouveau la une, d'un nouveau registre...

Minuit, la cour de l’hôtel Turkmènbashi, nous accueille. Fatigués mais heureux, nous venons de prendre pied sur le territoire de l'un des pays les plus fermés du monde.

Samedi 6 avril

 

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      Depuis la chambre, surprise, un long défilé de plusieurs centaines de participants, arborant une quantité impressionnante de drapeaux Turkmène, passe sur la route sous nos fenêtres. Serait-ce une révolution ? Dans un tel pays, peu de chance ! En fait, renseignement pris, rien d'autre que l'inauguration d'un centre sportif pour la journée de la santé.

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Quelques pleins du frigo et du réservoir pour prendre la route droit au nord pour un aller et retour au canyon Yangikala, l'un des plus beaux sites naturel de ce pays.

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  En plein désert, un plateau en surélévation d'une centaine de mètres peut-être et superbement raviné par l'érosion. Les différentes strates aux couleurs variant du vert au rose en passant par le blanc sont un spectacle à «  couper le souffle » comme le précise le guide. Impossible d'être déçu.

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Toute fois, ça  se mérite.  La petite route y menant par deux cent quatre kilomètres de trous, bosses et autres congères de sable dans lesquelles mon valeureux engins trouve intelligent de rester planter par deux fois, ne passe pas inaperçue. Mais quelle récompense à l'arrivée.

Nous passons la nuit sur le plateau lui même en bordure du départ des ravines toutes plus marquées les unes que les autres.

Dimanche 7 avril

Retour par cette même route que le vent de la nuit a encombrée d'un peu plus de sable. Encore un plantage et un détour délicat par une piste voisine pour éviter une congère devenue infranchissable.

DSC00156 DSC00157 Un petit détour nous amène au mausolée de Gozliata.
De braves dames cuisent dans d'énormes chaudrons mitoyens

des viandes et légumes tous plus succulents les uns que les autres.

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Ce sont des repas offerts gracieusement aux pèlerins venus sur le site.

      Il est treize heures passées et Momo, photographie tout en salivant ces superbes plats. A l'invitation reçue d'une de ces dames, de prendre place sur des tapis tout proches et de se laisser servir une assiette, il se croit obligé de décliner l'offre n'osant laisser les copains sur le carreau.

 

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      D'un commun accord, pour mettre fin au supplice du copain, décision est prise de tous se porter candidat pour une de ces assiettes généreusement offertes.  Après une bonne heure passée à déguster quelques friandises accompagnant le thé traditionnel, les plats n'arrivent toujours pas. Il faut prendre une décision : la route est encore longue et sûrement en mauvais état.
DSC00186 Notre demande a-t-elle été bien comprise ?

Très gênés, nous expliquons que nous allons devoir reprendre la route. Les dames de charité semblent alors ne pas nous avoir oubliés et voudraient nous voir rester pour prendre notre repas. Une heure de plus sur les lieux nous obligerait sans doute à un bout de route en pleine nuit. Quelques photos tous ensemble et nous prenons congé de nos hôtes. Momo « jura, mais un peu tard qu'on ne l'y reprendrait plus » !!!

Le goudron menant à Achgabat, la capitale, est sous nos roues. Route assez dégradée par endroits. Piégeante par ses alternances de très bons passages butant brusquement sur des ornières longitudinales sculptées par le poids des camions.

Un magnifique hôtel à Balkanabat a été prévu pour nous héberger sur son parking.

.Lundi 8 avril

La visibilité est mauvaise sur les lointains. Un voile de brume un peu ocre empêche de distinguer clairement sur notre gauche les grands espace de ce désert que nous longeons et que nous envisageons de traverser du sud au nord depuis Ashgabat. Sans doute est-ce une poussière de sable en suspension soulevée par le vent d'hier. Sur notre droite, la frontière Iranienne se rapproche. Une timide chaîne montagneuse commence à se dessiner et va s'accentuer jusqu'à la capitale. Des traces de neige sont encore visibles sur la crête la plus haute.

Peu de kilomètres avant la ville, nous implantons le bivouac sur le parking du lac souterrain de Kowata. Deux ou trois petits resto diffusent dans l'air de tentantes odeurs de Chachlyk cuits au barbecue. Nous choisissons chez l'un d'eux, en dîner, de délicieux plats locaux et Russe.

Mardi 9 avril

Dix heures, ouverture de la grotte. Une longue descente par plusieurs escaliers successifs composé de marches à hauteurs variables faiblement éclairés par quelques ampoules en file indienne nous mène assez profondément sous terre.

Le petit lac souterrain avec ses eaux chaudes (38°) et sulfureuses, excellentes paraît -il pour les rhumatismes s'y devine. Nous nous y plongeons tous deux avec Brigitte. Le reste du groupe assiste à notre trempette, inquiet du risque de voir le blog devenir peut-être lui aussi sulfureux.

Visite au passage d'un mausolée contenant les restes de la famille de l'ancien président. La belle mosquée jouxtant ce monument est elle aussi visitée au moment même où se présente un car de touristes Français.

Avant d'entrer à Ashgabat les voitures bénéficient d'un bon coup de Karcher pour éviter l'amande qui paraît il est infligée aux propriétaires d'un véhicule peu reluisant.

Dès l'arrivée en ville, nous passons à l'agence Owadan pour régler notre traversée du pays avec guide. Avec un visa de tourisme, il n'est pas possible d'être autonome au Turkménistan. Resterait le visa de transit d'une durée de cinq jours. Mais là, celui ci prenant effet au jour de son obtention, l'attente d'un bateau sans horaires à Bakou et la traversée de la Caspienne ne laisseraient au mieux que deux jours disponibles sur le territoire turkmène...à condition de débarquer de suite ce qui n'est pas gagné, les places au port de Turkmènbashi étant peu nombreuses. Certains ont attendus au mouillage plusieurs jours !

Un bivouac dans un parking à l'arrière d'un hôtel peu reluisant nous est trouvé par l'agence. En même temps une chambre nous permettant de bénéficier de quelques commodités, nous y est offerte. Après une première visite des lieux, nul n'a plus jamais parlé d'y remettre les pieds !

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      Heureusement pour moi, le gardien de la station de lavage mitoyenne de notre bivouac me voyant bricoler sur la voiture, se met spontanément à disposition pour m'aider à la dépose de la cellule. Une petite fuite de gazole provenant de ma réserve justifie cette intervention.

 Mercredi 10 avril

Journée de visite d'Ashkabat. La traversée de la ville en taxi à la recherche d'une banque, donc dans les beaux quartiers, laisse apparaître toute la mesure de la mégalomanie des dirigeants.

DSC00136 D’immenses avenues presque désertes au long desquelles se dressent, épars, tels des dominos (des morceaux de sucre blanc suggèrent Bernard...) de hauts bâtiments couverts de marbre blanc. Un éclairage constitué de réverbères dorés très proches les uns des autres achève la décoration de l'artère présidentielle, où sont, bien entendu, interdites toutes photos.
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Les seuls arbres plantés sont encore de petite taille et l'absence de toute ombre ne donne pas envie de s'éterniser dans ces lieux. On se croirait presque dans un gigantesque cimetière (...dixit Bernard...). Aucun d'entre nous n'est séduit par cette exposition de richesse sans âme à mon sens.

Après un retour en bus à la maison, j’entreprends donc d'achever mes travaux sur la cellule. Ainsi nous pouvons reprendre la route dès le début d'après-midi. Le petit tour au bazar en plein centre-ville n'est pas plus enthousiasmant, car dès les premières photos, la réprobation des habitants est immédiate. Photos interdites presque partout !

Jeudi 11 avril

La route remontant vers Nukus en Ouzbékistan est dans un premier temps correcte. Assez vite elle sese dégrade et il nous faut pas moins de 5 heures pour effectuer les 276 kilomètres nous séparant de Darwaza, à mis chemin. 

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Le spectacle offert par ce désert est assez décevant.  Peu de reliefs, absence de dunes ou presque. Le sable tassé et grisâtre est parsemé de petits buissons entre lesquels va apparaître au cours des heures une herbe éparse teintant le désert d'une légère couleur verdâtre. Nombreuses sont les barrières de roseau plantées souvent en carré parfois en simples lignes non loin de la route pour éviter les mouvements du sable sous l'effet du vent.

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      À Darwaza, la visite d'un cratère de gaz en feu est prévue.  Suite à un effondrement du sol sous les travaux de géologues, un trou de près de soixante mètres de diamètre sur une profondeur de quelque vingt mètres.

      Espérant régler en quelques jours le problème de la forte émanation de gaz qui sort du trou, la décision de mettre le feu a été prise. Cinquante ans plus tard, ça brûle toujours. Parfois les flammes peuvent atteindre dix à quinze mètres de haut.

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Avant hier, à Ashkabad, lors de notre visite à l'agence, nous avons exprimé notre souhait de ne pas parcourir avec nos véhicules les six kilomètres de piste sablonneuse qui y mènent. Aussi un 4x4x déjà sur place avec deux clients Hollandais, un père et son fils, nous y transportera depuis l'emplacement du bivouac au départ de la trace.

Il fait encore jour et malgré ça, le spectacle est stupéfiant. Le tour du cratère est rapide alors qu'un vent léger, sans doute créé par l'énorme différence des températures, nous pousse par endroits la forte chaleur de ce four naturel en plein visage. Depuis un monticule tout proche, la vue de ce foyer béant est surprenante.

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      Après beaucoup de photos, un repas nous est préparé par le chauffeur du 4x4. Nous le prenons en compagnie des deux Hollandais avec qui nous échangeons en Français nos souvenirs de voyage. La clarté du ciel diminuant, celle du cratère en flamme commence à prendre le relais. C'est à pas hésitants sur un sol très sombre, qu'après nos agapes, nous retournons auprès du trou.
      Au fur et à mesure de notre approche, les pieds ne cherchent presque plus l'obstacle a éviter, l'éclairage devient suffisant et même la colline d'à côté rougeoie sous la clarté du feu.

Vers vingt-trois heures, ayant regagné nos résidences, un vent violent se lève et Chauvkat notre guide dont aujourd'hui Brigitte et moi-même avons la charge, partagera le petit espace de notre cellule pour la nuit. Les bourrasques vont encore forcir et on imagine aisément ce qui serait advenu de la petite tente de notre jeune Turkmène dans de telles conditions.

Vendredi 12 avril

Il fait beau et le vent est tombé. C'est aujourd'hui la dernière étape dans ce pays. Nous sommes invités ce soir, chez notre guide, à Kunya Urgench son village natal situé à faible distance de la frontière Ouzbèke.

Mais le pays ne nous lâche pas aussi facilement. S'il a été difficile d'y pénétrer, il semble tout aussi difficile d'en sortir, mais cette fois en raison de l'état de la route. Au début mauvaise, elle deviendra exécrable au cours des heures et les derniers cent kilomètres seront une épreuve pour les véhicules et leurs occupants.

Qu’elle récompense toute foi lorsque nous nous garons au fond d'une petite ruelle de terre sur l'arrière de la maison de notre hôte. Accueil chaleureux et sincère. Un repas est servi dans une coquette salle à manger meublée d'une table basse dressée sur une estrade recouverte de gros tapis en laine. Malheureusement, nous regretterons l'absence des dames de la maison à nos côtés durant ce dîner. Seul Chaukat est avec nous.